L'histoire des Mennonites
Les "assemblées" mennonites tiennent leur nom de Menno Simons (1496-1561), prêtre frison qui adhéra en 1526 à l'anabaptisme pacifique né en Suisse l'année précédente, et qui devint l'un des chefs et le réformateur de ce courant religieux, en Hollande et jusqu'en Allemagne. Son influence s'étendit en fait, excepté la branche dite houttérienne, à l'ensemble de l'anabaptisme pacifique européen, qui, cantonné dans des communautés rurales et caractérisées par son pacifisme, par son refus de l'engagement social, par sa farouche défense du primat des groupes locaux, a connu, principalement au XIXe siècle, une importante émigration vers l'Amérique du Nord portant le nombre des fidèles mennonites à prés d'un demi-million. L'anabaptisme pacifique suisse L'anabaptisme pacifique est né à Zurich, au début de 1525, d'une scission entre Zwingli et certains de ses disciples au moment de l'introduction de la Réforme dans la cité et dans le canton. Les disciples impatients, parmi lesquels il faut citer Conrad Grebel et Félix Mantz, désiraient la rupture du lien entre l'église et l'Etat. Leur conception était celle d'une église de convertis, opposant le Corpus Christi au Corpus christianum de la Chrétienté médiévale. Elle trouva son expression symbolique dans le baptême des seuls adultes sur profession de leur foi, d'où le nom de re-baptiseurs (" anabaptistes ") donné au groupe, puisque tous ses membres avaient déjà été baptisés enfants. Les intéressés refusaient quant à eux toutes valeur à ce premier " baptême " et repoussaient l'épithète qu'on leur imposait, de façon d'ailleurs péjorative. Entre eux, ils s'appelaient "frères" et l'habitude a subsisté de désigner les anabaptistes pacifiques suisses par le vocable de "Frères suisses". Un strict refus de la mondanité, de l'usage de la force et des fonctions politiques ainsi qu'une nette insistance sur l'indépendance des groupes locaux ou Assemblées, caractérisaient ces dissidents. De Suisse, leur foi fut introduite en Allemagne du sud, puis dans les terres des Habsbourg. Partout, le mouvement rencontra un succès certain, et séduisit toutes les classes sociales, spécialement chez les clercs et les intellectuels humanistes. Il semble avoir aussi attiré quelques personnes ayant participé aux mouvements révolutionnaires de Thomas Müntzer et du "royaume de Münster" ou à celui, pacifique, de Melchior HooEman.Menno Simons et les mennonites La persécution s'abattit vite (de la part des catholiques comme des protestants) sur le mouvement zurichois et ses branches non suisses. Elle fut particulièrement ressentie en Hollande, où les anabaptismes hooEmanien et de type münstérien étaient assez répandus. Les pacifiques sourirent d'être confondus avec les autres, tandis que certains de ces derniers tendaient au pacifisme, après l'échec des chiliastes militanti, Menno Simons, après avoir adhéré à l'anabaptisme pacifique, en devint peu à peu l'un des chefs principaux en Hollande et dans l'Allemagne rhénane et septentrionale. Il réorganisa les communautés hésitantes et son influence réformatrice se fit sentir jusqu'en Suisse. |
Après sa mort, tous les anabaptistes pacifiques, à l'exception de ceux de la branche communautaire dite houttérienne, se rallièrent plus ou moins ses principes et reçurent tous progressivement le nom de mennonites. Menno marqua l'ensemble des communautés par son radicalisme en matière de pureté de l'assemblée et par le rôle prééminent qu'il accordait aux ministres du culte.
Fruit d'une conjoncture sociale, la réorganisation mennonite des Assemblées fut contestée, dés le XVIIe siècle, en Hollande même, par suite des changements sociaux propres à ce pays (tolérance religieuse, participation des mennonites à la vie sociale, etc.). Désormais, le mennonitisme hollandais connut un sort à part, acceptant la culture globale et participant aux courants théologiques les moins conservateurs. Le reste des communautés mennonites était formé, jusqu'à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, d'une majorité de cultivateurs, dont la réputation de progressisme agricole est encore bien vivante. Mais, dans ces communautés rurales physiquement isolées de la société globale, la "non-mondanité" prit des aspects de formalisme, vestimentaire ou autre, tandis que l'expression des croyances et le culte se sclérosaient sous la direction d'anciens sans culture théologique. A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, un réveil d'inspiration piétiste revitaliser a donné à l'anabaptisme pacifique un nouveau départ, éventuellement prosélytique et même missionnaire. Cependant, les Hollandais demeurent, dans l'ensemble, en marge de ce mouvement, par leurs tendances libérales en théologie. Un retour aux sources historiques de l'anabaptisme du XVIe siècle est également amorcé.
Migrations mennonites Pacifistes, les mennonites refusent, en théorie, de porter les armes et de prêter serment. Combinée avec d'autres traits culturels et sous l'influence d'autres facteurs, cette attitude les a obligés à de nombreuses migrations. Au XVIIIe siècle, certains d'entre eux allèrent se fixer en Russie. Mais leur déplacement le plus important a eu lieu, dès les XVIIe et XVIIIe siècles, et surtout au XIXe, vers l'Amérique du Nord (Canada et Etats-Unis). Actuellement, prés de la moitié de leurs effectifs (environ 236000 sur 446000) habitent cette partie du monde. Ils y sont groupés en un certain nombre de "conférences" plus ou moins conservatrices, en particulier pour ce qui est des normes de la non-mondanité. On y rencontre les mennonites les plus résolument conservateurs, les amish, qui refusent toute forme de contacts, même ecclésiastiques, avec les autres mennonites. Leur habillement particulier a été popularisé par la photographie. D'autres mennonites moins conservateurs, d'origine russe, ont retenu l'attention des observateurs par leurs méthodes de colonisation agricole et les formes de leur vie sociale. Les mennonites, persécutés, puis vivant volontairement à l'écart du monde, ont surtout, dans l'histoire, une réputation de grande honnêteté, de souci du travail bien fait, de progressisme agricole, de charité agissante et d'hospitalité généreuse. La recherche actuelle tend à leur reconnaître un rôle particulier dans l'expérimentation des formes de vie en commun qui ont abouti, par des cheminements divers, au coopératisme.
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